Découverte d'eau autour de Cérès par Herschel
L'astéroïde Cérès, maintenant classé planète naine tout comme Pluton, fut le premier astéroïde découvert en 1801 par Piazzi. Il concentre à lui seul environ 1/5 de toute la matière comprise entre Mars et Jupiter, au sein de la ceinture d'astéroïdes.
Malgré ce rôle prédominant parmi les astéroïdes, sa composition reste très mal connue. Les caractéristiques spectrales de Cérès laissent néanmoins penser qu'il doit être composé de minéraux semblables à ceux des météorites chondrites carbonées qui sont parmi les plus primitives connues.
Depuis la fin des années 1970, la question de la présence de glace sur ou dans Cérès est fortement débattue. D'un côté les défendeurs de présence de calottes polaires ou de glace en sous-sol s'appuient sur une signature spectrale dans le proche infrarouge potentiellement indicative de glace, ainsi que sur une détection marginale du produit de photodissociation de l'eau autour de Cérès en 1992. Diverses structures internes sont envisagées, et la présence de larges poches de glace ou même d'un océan interne est jugée possible.
Vue d'artiste d'échapement de vapeur d'eau de Cérès
© ESA
Les détracteurs soulignent quand à eux le lien possible entre la-dite signature spectrale et certains minéraux rendant très incertaine la présence de glace, surtout qu'à la distance du Soleil où orbite Cérès la glace d'eau n'est pas stable et se sublime très rapidement. D'autre part, la détection de 1992 n'avait jamais pu être confirmée, semant le doute sur sa véracité, malgré divers essais incluant le Very Large Télescope (VLT) de l'observatoire européen austral (ESO), un des plus gros télescopes sur Terre.
Cette question a pourtant de fortes implications sur notre conception générale de l'origine de l'eau dans le système solaire et sur la terre en particulier. La vue traditionnelle sépare en effet le système solaire en une partie "sèche" proche du soleil et une "humide" plus loin, la limite se situant environ à l'orbite de Jupiter. Il était alors admis que les comètes avaient fournies l'eau des océans, mais le rôle des astéroïdes n'était pas clair dans cette histoire.
Ainsi, une équipe d'astronomes de l'agence spatiale européenne (ESA) et de l'observatoire de Paris (laboratoires LESIA et IMCCE) ont utilisé le télescope spatial européen Herschel pour étudier la présence d'eau sur Cérès. Après une observation négative en 2011, ils ont clairement détecté la présence d'eau sous forme gazeuse autour de Cérès à plusieurs reprises en 2012 et 2013, mettant fin à la controverse. L'activité de Cérès semble liée à la variation de sa distance au Soleil au long de son orbite, à l'instar des comètes.
Variabilité de l'intensité du signal d'absorption de l'eau détecté sur Cér&egraevb;s par l'observatoire spatial de l'ESA, Herschel, le 6 mars 2013. Les mesures les plus intenses correspondent à deux régions sombres de la surface connues sous les noms de Piazzi et Region A, identifiées sur les images de Cérès prises depuis la Terre par l'observatoire Keck II. Les deux points des données à 110° de longitude ont été pris à un intervalle de temps de 9 heures - égal à la période de rotation de Cérès - montrant que la variabilité de la production de vapeur d'eau est possible même sur de courtes périodes. - © Adapté de Küppers et al.
Cérès réservait toutefois une autre surprise. La première analyse des données prises par le télescope Herschel montrait des résultats incohérents. Aidés par la connaissance de la surface de Cérès, cartographiée quelques années auparavant par le télescope spatial Hubble, le W. M. Keck à Hawaï, et le VLT, les astronomes ont pu déterminer que l'eau était éjectées par deux sources bien localisées à la surface de Cérès, à la manière de deux geysers géants. En utilisant un modèle de jets cométaires développé à l'observatoire de Paris, ils ont même pu montrer qu'une partie de l'eau retombe sur Cérès.
Si l'émission de vapeur d'eau de Cérès s'explique facilement par un comportement cométaire, la question de l'origine de cette eau reste ouverte: Cérès possède-t-il un océan souterrain? Ou bien ces deux régions correspondent-elles à deux poches isolées? Dans un tel cas, quelle est leur origine? La sonde Dawn de la NASA lancée en 2007 est actuellement en route vers Cérès après avoir étudié l'astéroïde Vesta en 2011. Les images et spectres à haute résolution de la surface de Cérès nous permettront de mieux comprendre l'origine de ces geysers
Lire la nouvelle sur le site de l'ESA (en anglais)